Homélie du 29 septembre : 26ème dimanche du temps ordinaire
Abbé Jean Compazieu | 21 septembre 2013
“La bande des vautrés…”
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La liturgie de ce dimanche nous fait entendre la voix du prophète Amos. Il se fait caustique pour dénoncer “la bande des vautrés”. Ces anciens nomades sont devenus un peuple prospère. Mais cette prospérité ne profite qu’à quelques privilégiés. Le prophète Amos ne mâche pas ses mots pour dénoncer le luxe insolent des riches face à l’indigence des pauvres. Quand le droit et la justice sont à ce point bafoués, le prophète sait que le pays court à sa perte. Si Amos revenait, imaginons un peu ce qu’il dirait sur notre monde et notre société. II dénoncerait le gaspillage qui est une gifle à tous ceux et celles qui n’ont pas de quoi survivre. Nous le savons bien, les situations de précarité sont de plus en plus criantes dans le monde et même tout près de chez nous.
L’Evangile que nous venons d’écouter met en scène un riche qui vivait dans le luxe et un pauvre qui restait couché devant son portail. La parabole ne parle pas d’un mauvais riche ni d’un bon pauvre. Lazare peut très bien être le dernier des bons à rien, crasseux et même violent quand il est sous l’emprise de l’alcool. Le riche peut très bien être un bon mari, un bon père, un bon patron. Il peut être engagé dans une association humanitaire et signer des chèques pour le téléthon. Le véritable problème est ailleurs.
Comme il le fait souvent, Jésus part de ce qu’il voit. De son temps, comme au temps d’Amos, l’extrême richesse côtoie l’extrême pauvreté. Et de nos jours, cela n’a pas changé. Dieu ne peut tolérer cette situation dramatique. Le pauvre est aussi son enfant bien-aimé. Il faut savoir que le nom de Lazare signifie “Dieu aide”. Le riche n’a pas de nom. En fait, c’est une manière de dire qu’il peut être chacun de nous.
Cela ne veut pas dire que la richesse est un mal ni que le riche est un pécheur. Dans le monde de la Bible, c’est même le contraire. Etre riche et en bonne santé c’est un signe de bénédiction divine. Tout réussit à celui qui est ami de Dieu. Par opposition, les pauvres, les malades, les lépreux sont forcément des réprouvés. Rappelons-nous la question des disciples au sujet de l’aveugle-né : “qui a péché pour qu’il soit né ainsi ?” Jésus répond : “Personne.” La question est ailleurs.
La richesse peut être bonne en soi. Mais elle peut devenir un péché quand elle rend sourd et aveugle. Le péché du riche c’est d’avoir transformé la clôture de son rang social en frontière infranchissable à l’autre. Il n’a rien fait de mal. Son problème c’est qu’il n’a pas vu. Ses richesses lui ont fermé les yeux, bouché les oreilles et fermé le cœur. Du coup, c’est lui le riche qui se trouve enfermé ; c’est lui qui est prisonnier ; c’est lui qui est aliéné par sa richesse.
Et c’est dramatique parce que c’est son avenir éternel qui est en jeu. Il n’y aura pas de séance de rattrapage ; un jour, il verra clair parce que la mort lui aura enlevé les richesses qui l’aveuglaient. Ce jour-là, il ne pourra plus repartir à zéro. L’Evangile nous parle d’un grand abime entre lui et Lazare. Cet abime infranchissable, c’est lui, le riche, qui l’a creusé. Cette solitude dans laquelle il se trouve, c’est lui qui l’a organisée. Il s’y est complètement enfermé. Maintenant, personne ne peut rien pour lui.
Cet évangile est donc pour nous un appel pressant à nous convertir. Il est urgent que chacun de nous ouvre ses yeux, ses oreilles et surtout son cœur à tous les Lazare qui sont sur notre route. Un jour, un pauvre mendiant avait affiché devant lui : “Au moins, n’ayez pas peur de me regarder !” Ce regard qu’il attendait des passants était bien plus important pour lui que la pièce qu’on pouvait lui donner. A travers celui qui est dans le besoin, c’est Jésus qui est là. Un jour, il nous dira : “j’avais faim, j’étais malade, en prison, étranger… et vous êtes venus à moi”. Dimanche dernier, le Christ nous recommandait de nous faire des amis avec “l’argent trompeur. Ces amis valent bien plus que toutes les richesses que nous aurons accumulées. Et surtout, ils seront là pour nous accueillir dans les “demeures éternelles”.
Nous ne devons pas attendre qu’une apparition vienne nous dire qui est Lazare et où le trouver. Il est à notre porte, même s’il habite à l’autre bout du monde. Si nous ne le voyons pas, c’est que nous sommes aveuglés. Il est urgent de combler les ravins d’indifférence, de raboter les montagnes de préjugés, d’abattre les murs d’égoïsme. La grande priorité c’est de jeter des ponts, de tracer des routes, d’aller à la rencontre de l’autre. Le Christ est là pour nous accompagner car il sait bien que c’est au-dessus de nos forces personnelles. Sa mission a été de réconcilier les hommes avec le Père mais aussi entre eux. Il ne cesse de nous unir à lui mais aussi entre nous dans l’amour mutuel.
Dans la seconde lecture, saint Paul nous rappelle précisément que nous serons jugés sur nos actes. A travers son disciple Timothée c’est aussi à nous qu’il s’adresse. Il nous invite à garder le commandement du Seigneur. Il s’agit pour nous de vivre “dans la foi et l’amour, la persévérance et la douceur”.
Par ton Eucharistie, Seigneur, vient nous transformer pour que chacun de nous te voie dans ses frères quels qu’ils soient. Tu nous renvoie à Moïse et aux prophètes ; tu nous interpelles par ton Évangile mais aussi par la voix de celui qui crie sa détresse. Ouvre nos yeux et nos cœurs, libère-nous de nos égoïsmes car c’est dans le partage que nous pourrons être fidèles à ta parole. Amen.
Sources : revues Feu Nouveau, Signes et Dimanche en Paroisse, Lectures bibliques des dimanches C (Albert Vanhoye), Pour la célébration de l’Eucharistie (Feder et Gorius), Saisons Bibliques 2, Le Nouveau Testament commenté (C. Focant et D. Marguerat)
Je serai absent toute une partie de la semaine. Les possibilités d’accès à Internet risquent d’être limitées. Vous pouvez quand même envoyer des commentaires. Je les mettrai en ligne dès que possible
Une ancienne vidéo de Soeur Claire
Merci pour cette homelie et pour la vidéo de soeur Claire. Dans le village où j habite il n y a aucun sdf mais a Lyon il y a beaucoup de vendeurs de journaux roumains. Mais je n en achete pas car cela coûte 3,50 euros. Par contre, je partage tout ce que j ai avec mes enfants.
Par contre, nous faisons partie des donateurs réguliers de l armée du salut.
Merci Père Jean pour cet article sur “La bande des vautrés”. Je partage tout à fait ce point de vue! J’ai écrit un commentaire qui va à 100% dans le même sens et que j’ai intitulé “Les ventres pleins”: http://www.lesevangiles.net/26eme-dimanche-du-temps-ordinaire-annee-c/ .
Bonne semaine à tous.
Bernard
Suis-je un bon disciple? C’est toujours la question qu’on se pose et moi aussi j’ai souvent envie de me justifier, mais je sais que je suis loin de la Justice et que je serai bien obligé d’en appeler à la miséricorde de Dieu. Je pense que je serai “jugé” sur l’Amour : est-ce qu’on dira de moi ce qu’on a dit des 1ers chrétiens : “voyez comme ils s’aiment!” et la réponse me fait vraiment peur, alors je fais confiance…
Vingt-sixième dimanche dans l’année C
Ah ! si seulement Jésus nous avait présenté un mauvais riche, qui maltraite le pauvre, nous aurions pu respirer. La parabole ne nous aurait pas concernés. Nous ne sommes pas riches, ou si peu ! et puis, nous ne sommes pas mauvais. Mais précisément la parabole ne donne aucune coloration morale à l’attitude de ce riche anonyme, faisant bonne chère et vivant dans le luxe.
La richesse n’est pas mauvaise,
mais elle risque d’aveugler
Jésus ne lui reproche nullement d’être riche, mais bien d’être aveugle et indifférent à la misère du pauvre qui gît à sa porte. Etre riche n’est ni une tare ni un vice honteux. Mais il y a une bonne et une mauvaise manières de l’être.
Une chose est certaine : il est difficile d’être riche et de rester ouvert au partage et à la compassion. Le luxe endort les individus, les sociétés et les nations. Il émousse la vigilance. Outil précieux et efficace, – pensons à ces géants de la charité et de l’action sociale qu’ont été Saint Vincent de Paul et Don Bosco, perpétuellement en recherche de fonds -, la richesse est cependant tellement dangereuse qu’elle sert le plus souvent à creuser davantage le fossé qui sépare les démunis des possédants plutôt qu’à le combler.
Enfermé dans sa prison dorée, le riche risque de ne pas entendre les cris de souffrance de ses frères. Il risque tout autant de rester sourd à la Parole de Dieu qui pourrait pourtant le délivrer.
La parabole de l’homme riche et du pauvre Lazare ne cesse pas d’être d’actualité. Les journaux nous la racontent tous les jours. Les prophètes, comme Amos, en répètent aussi les durs avertissements, les appels pressants à la conversion et aux indispensables changements. Il ne faut prendre à la légère ni le réquisitoire d’Amos ni la parabole de Jésus. Tous deux livrent un message semblable. Tous deux nous invitent à la conversion.
L’enfer et le ciel
Il arrive de plus en plus aujourd’hui qu’on se demande si l’enfer existe. Et on s’empresse de dire que non… N’est-ce pas un peu léger ? Jésus, lui, en tout cas, ne pense pas comme cela. Pour lui, l’enfer prolonge la vie terrestre. C’est rester loin de Dieu, comme on l’était ici-bas. C’est rester loin des autres comme on l’était déjà sur terre. C’est donc l’homme qui, librement, volontairement,se condamne lui-même. La seule sanction, c’est, simplement, que cette distance que le riche a mise entre lui et Dieu, entre lui et les autres, devient définitive… mais des Pères de l’Eglise comme Origène, Grégoire de Nysse ou encore Isaac le Syrien ont parle d’apocatastase, c’est-à-dire d’un salut final général. Urs von Balthasar parlera d’un enfer vide…
Chaque fois que nous nous ouvrons à Dieu et aux autres, c’est le ciel commencé. Chaque fois que nous nous enfermons en nous-mêmes, quel enfer… N’attendons pas demain pour nous mettre à aimer.
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